UTMB 2012, la tête avant les jambes !

Les « trailers » en avaient l’intuition, les chercheurs leur donnent raison : la volonté est le principal facteur de la performance physique.

Le 31 août à Chamonix, 2.300 coureurs prendront le départ de la 10 e édition de l’Ultra-trail du Mont-Blanc (UTMB), la course la plus longue et la plus redoutable d’Europe : un Everest (9.600 mètres cumulés de dénivelés positifs) et quatre marathons non-stop (168 km) à parcourir sur un terrain de montagne impitoyable pour les chevilles et les cuisses. Le circuit est un classique des catalogues de trek qui offre des balcons hallucinants sur les sommets de la plus haute chaîne du continent entre la France, l’Italie et la Suisse.

Il nécessite habituellement 7 à 10 jours de marche. Mais pour les coureurs de l’UTMB, la limite a été fixée à 46 heures. Au-delà, c’est l’élimination. Un défi ultime : l’an passé ils n’étaient que 14 % à finir la course dans les temps (341 coureurs) et la moitié à abandonner.

« Voilà une occasion inespérée d’explorer les limites du corps humain », explique Guillaume Millet, professeur de physiologie du sport à l’université de Saint-Etienne, bon coureur et auteur d’un ouvrage très complet sur la question (« Ultra-trail, plaisir, performance et sant頻, Outdoor Editions). Après une dizaine d’années sur le terrain, il vient de confirmer ce qui n’était alors qu’une hypothèse : la force du mental est le facteur le plus limitant de la performance. « Le muscle et la puissance aérobie [l’aptitude d’un individu à prendre de l’oxygène dans l’air ambiant] sont indispensables, mais ils ne servent les efforts que de manière indirecte dans les sports de longue durée. Le cerveau souffre en fait plus que les muscles », résume le chercheur.

Plusieurs études convergentes mettent en évidence de fortes perturbations du système nerveux central entraînant une diminution de la force musculaire sur de longues épreuves. Mais on ne sait pas exactement à quel niveau se situent ces altérations. Dans le cerveau ? Les neurones moteurs ? Les récepteurs périphériques ? « En comparant des épreuves de ski de fond et de course à pied de durée similaire en compétition, on a effectivement montré que les informations en provenance de la périphérie étaient largement impliquées dans la diminution des commandes nerveuses. D’autres mesures plus directes suggèrent également que quelque chose se passe au niveau de la moelle épinière. On suspecte les fibres sensibles à l’inflammation mais beaucoup reste à faire pour mieux comprendre ce qui se passe au niveau de la commande motrice. »

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Le rôle central du cerveau

Guillaume Millet et quelques autres ont cependant leur idée sur la question. Pour répondre à la fatigue, les muscles ont besoin d’un ordre pour maintenir le même niveau de contraction et conserver leur vitesse de course. Autrement dit : le cerveau doit travailler plus pour le même résultat. Traduction pour le coureur : la sensation de pénibilité s’accroît, le corps donne l’impression de peser une tonne tandis que le moral de l’athlète est en berne.

La chimie qui se met en place pour endurer joue également un rôle déterminant sur le psychisme. Selon les derniers travaux des chercheurs, l’accumulation d’ammoniaque intracellulaire, de potassium, de phosphate inorganique et surtout d’acide lactique protègent indirectement l’organisme d’un excès de fatigue en alertant le système nerveux que les limites sont atteintes. « Ces agents chimiques, l’acide lactique en particulier, pourraient signifier au cerveau qu’il est temps d’arrêter », postule Guillaume Millet.

Ses travaux sur les coureurs de l’UTMB appuient cette conviction. « On constate très nettement un déficit de la capacité à activer les muscles alors même que ces derniers ne sont pas lourdement affectés, que la fatigue cardiaque ne s’est pas installée et qu’il n’y a pas de perte de globules rouges. » Ses expériences le confirment en laboratoire : la valeur moyenne de perte de contractilité du quadriceps après 24 heures de course sur un tapis roulant n’est que de 10 % et elle atteint, ensuite, un plateau autour de 35 à 40 %, quelle que soit la durée de la course. Le chercheur en conclut un principe physiologique : « L’ordre de se contracter envoyé par le cortex moteur est modulé par des informations en provenance de divers récepteurs périphériques, dont le muscle qui se protège de la fatigue en adressant des signaux alarmistes. »

La performance pourrait donc n’être qu’une question de volonté et l’entraînement un moyen de réduire -ou tout au moins d’apprivoiser -l’intensité des signaux de douleur adressés au cerveau, seul juge de paix.

PAUL MOLGA

article paru dans Les Echos.fr : Marathon : la tête avant les jambes


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juillet 26th, 2012 by